Le Secret de Murighen ( Voyage Rêve de Dragon - MultiSim )

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Chroniques du prince Lothar - Les années d'exil

Chapitre XI
Le manoir de Balnifède


Au sortir de cet étrange brouillard violet/jaune, notre frêle embarcation, déjà surchargée, heurta un rocher, ce qui - vu mon état de santé - suffit à m'éjecter de la barque. Je me retrouvai dans une eau peu profonde et couverte de nénuphars (?). En effet, nous venions de pénétrer dans ce que je pris tout d'abord pour un étroit chenal bordé de parois en pierre de taille, et donnant sur un quai non loin d'un bâtiment imposant perdu dans la brume. En fait, en regardant derrière moi je distinguais de tels murets de pierres de toutes parts, et il fallut me rendre à l'évidence : par quelque malice, les dragons nous avaient fait atterrir en plein centre d'une pièce d'eau de 5 pas sur 4. Le soulagement d'avoir pu échapper à ce rêve sordide - où nous pourchassaient une tribu entière de primitifs hostiles et un lézormide convaincu que Logart pourrait soulager ses souffrances (comme quoi ces créatures sont vraiment stupides) - fit rapidement place à la curiosité.

Le brouillard jaune qui se dissipait nous permit de distinguer plus nettement le bâtiment entr'aperçu : une sorte de manoir assez délabré, flanqué d'un bâtiment en bois pouvant faire office d'écurie. Une fenêtre s'ouvrit à l'étage, laissant apparaître un vieil homme: une cinquantaine d'années, 1m70, les cheveux gris en bataille, barbu et moustachu, vêtu d'un vieux manteau rapiécé cadrant tout à fait avec l'état des lieux.

Celui-ci de dire, comme si la chose était fréquente : " Par les dragons, des naufragés dans mon bassin. Ne bougez pas, je descends "

Une fois en bas, il se présenta : " Je suis Emile, jardinier du manoir. C'est une belle embarcation que vous avez là. Elle plairait sans doute au Capitaine Harlock s'il était là. Mais il faut tout d'abord que je vous présente à mon maître le seigneur Rolland de Balnifède ". Il nous conduisit à l'étage dans un grand couloir flanqué de six portes et emprunta celle du fond, en nous demandant de patienter le temps de nous introduire auprès de son maître. Cinq minutes plus tard un " Entrez " informel nous convia à pousser la porte qui donnait sur l'antre du seigneur de Balnifède : une vaste pièce où régnait un désordre indescriptible : livres, bibelots, cartes et chats entremêlés sans aucune notion de frontière. Seul le mobilier finement ouvragé révélait le statut de notre hôte. Le seigneur Rolland de Balnifède était un homme mûr - la cinquantaine, 1m70, imberbe, les cheveux grisonnants, vêtu d'une cape sobre mais de bonne facture - se leva pour nous accueillir. Un homme charmant, d'une éducation sans faille, qui me fit penser un moment que nous avions accosté en pays civilisé. Je me présentai : prince Lothar d'Elandil, accompagné de l'ambassadeur Logart et de ma suite. Rolland de Balnifède fut très impressionné par nos - mes - titres et nous proposa de nous installer et de nous rafraîchir en attendant le dîner auquel il nous conviait : nous pouvions nous installer dans les deux chambres à droite du couloir, celles de gauche étant occupées. Sur ce, il sonna pour avertir son serviteur Oscar, mais celui-ci ne semblait pas pressé de monter chez son maître. S'excusant, le seigneur de Balnifède descendit remonter les bretelles à ce domestique indélicat - comme le laissaient supposer les voix qui montaient à l'étage. De fait, il faut bien faire preuve d'autorité auprès de ces gens si l'on veut se faire respecter. Et je soupçonnais le seigneur Rolland de quelque laxisme vu l'état de son manoir.

Oscar était un homme droit - la cinquantaine, 1m70, imberbe, les cheveux grisonnants, portant un habit strict comme il sied aux gens de sa profession, un petit air de parenté avec le jardinier - arriva avec son plumeau et " remua " la poussière abondante dans ces chambres qui visiblement n'avaient pas servi depuis longtemps. Nous lui demandâmes un bain chaud pour nous délasser et bien que la demande lui parût inattendue, il revint 10 minutes plus tard nous avertir que 2 baignoires étaient prêtes. Bien sûr, nous laissâmes les femmes goûter en premier aux joies de la propreté. Je m'allongeai sur mon lit. Mes blessures avaient guéri, mais mon combat m'avait épuisé : une rude bataille qui m'avait opposé à mon homme de main Morgandilas, envoûté, dont la force avait été artificiellement augmentée par Hurlemort le lézormide, bataille dont je sortis tout juste vainqueur. Je dus m'assoupir, car je fus réveillé par le son d'une cloche marquant l'heure du repas. Je voulu prendre un bain rapide avant de me sustenter mais Oscar était introuvable et il n'y avait plus d'eau chaude dans la salle de bain ni de trace de bûches dans le foyer destiné à chauffer l'eau. Bizarre; avais-je dormi si longtemps? Je dus me résoudre à me débarbouiller rapidement, comptant sur ma prestance naturelle pour faire oublier mon manque de fraîcheur.

Sur la table nous attendaient des couverts de qualité quoique dans un très mauvais état, et un repas plutôt spartiate : oeufs brouillés aux carottes. Comme de bien entendu, Oscar ne se pressa pas de répondre à l'appel de son maître, et le seigneur Rolland dut aller le chercher. Oscar revint seul nous servir notre pitance et parvint même à en renverser sur mes précieux habits : je l'aurais fait fouetter s'il avait été de mes serviteurs. Mais nous étions les hôtes du seigneur de Balnifède, et celui-ci n'avait même pas été là pour constater la faute. Heureusement, le maraud disparut rapidement de ma vue. Le seigneur Rolland revint une bouteille à la main, un grand cru selon lui, mais que je trouvai tout juste buvable et au goût de bouchon prononcé. Par courtoisie, tout le monde le félicita pour son vin.

Rolland de Balnifède se montra affable. Nous apprîmes qu'il était originaire de la cité de Filarmonith, la cité des musiciens, et qu'il en avait été banni parce que son talent gênait les intrigants de la cour. " N'avez-vous jamais visité Filarmonith et son auditorium magique? ", et Logart d'ouvrir tout grand ces appendices monstrueux qui lui servaient d'oreilles " Oui, le plus grand théâtre du monde, où toute la population pouvait se rassembler et, du premier jusqu'au dernier, goûter à la quintessence des meilleurs artistes ". Nous en apprîmes plus sur la géographie de la région, notre hôte nous faisant profiter de l'expérience d'un de ses amis cartographe, nommé Vaunord, que nous aurions peut-être le plaisir de rencontrer car il voyageait dans la région. A part Filarmonith, l'autre grande cité de la région se nommait Perplex : une cité où l'on mangeait les haut-rêvants, ce qui n'est que justice. Devant la perplexité de Logart, le seigneur Rolland relata le témoignage d'un de ses amis haut-rêvant - Jonas - ayant enquêté sur cette cité aux moeurs étranges : la légende était véridique et la livre de chair de haut-rêvant s'y vendait un bon prix. Mais soit les hauts-rêvants pullulaient dans la région - les dragons nous en gardent! - , soit on ne mangeait pas que des vrais hauts-rêvants.

Cet homme me parut sympathique, ayant connu les mêmes épreuves que moi et partageant mon point de vue sur les hauts-rêvants : étant moi-même versé dans l'art musical, je lui proposai une joute amicale. Il nous interpréta la ballade du voyageur éternel - cet individu mythique qui traversait toutes les déchirures de rêve connues, dans l'espoir que l'une d'entre elles mènerait jusqu'au royaume des dragons - mais les fausses notes étaient légion et je ne m'étonnais plus qu'il ait été banni -pour incompétence sans doute. Mes compagnons prirent congé et je dus seul souffrir le massacre musical de Rolland.

Lorsque je parvins enfin à prétexter la fatigue pour mettre fin au carnage, il se passa une chose étrange. Le baron ouvrit l'une des portes à droite du couloir et dit : " Bonne nuit Jonas, votre récit fut excellent ", puis à la porte suivante: "Ami Vaunord, puisse cette nuit vous être propice ", puis il entra dans la troisième chambre. Bizarre... Se pouvait-il que le seigneur de Balnifède nous cachât ses hôtes. Il eût cependant été inconvenant de le lui demander.

Aussi regagnai-je ma chambre : à ma grande surprise, Logart occupait mon lit, ronflant bruyamment. L'envie ne me manquait pas de lui foutre un grand coup de pied au cul pour le remettre à sa place, mais il valait mieux ne pas risquer de nuire à la cohésion de notre groupe : sans doute n'avait-il pas réalisé qu'il s'était trompé de chambre - il est tellement tête en l'air.

En tout cas, cet incident me donna un prétexte pour aller déranger le seigneur de Balnifède et résoudre le mystère de ces lieux. Lorsque je frappai à sa porte, la tête ensommeillée d'Emile le jardinier se montra un moment avant de claquer la porte en disant: " une minute s'il vous plaît! ". La porte s'ouvrit à nouveau, sur le seigneur Rolland cette fois-ci, et je ne vis nulle trace d'Emile dans la chambre, quoique mon angle de vue ne me permis pas de l'englober dans sa totalité. J'exposai mon problème à notre hôte, qui me suggéra de réveiller Oscar pour qu'il installe une paillasse supplémentaire. J'acceptai, encore intrigué par ce que j'avais vu : il existait des ragots concernant des hommes partageant la même couche, mais je n'ai jamais voulu y croire: par les dragons! une telle pratique est pire que le haut-rêve! Non, il devait y avoir une autre explication, ou tout simplement avais-je mal vu mon interlocuteur la première fois, l'éclairage des lieux étant en effet sommaire.

Je partai à la recherche d'Oscar, et j'étais sur le point de visiter la dernière pièce inconnue de ce manoir - qui devait forcement être la chambre des domestiques - mais c'est lui qui me trouva : " Si vous cherchez une paillasse, c'est dans ce placard qu'il faut regarder ". Il m'aida à installer ma couche, et la fatigue eut raison de moi, bien que j'eusse le projet de monter la garde cette nuit pour surprendre quelque pratique nocturne de notre hôte.

Le lendemain matin fut tranquille : notre hôte et le personnel de maison étaient invisibles. Apparemment, on ne se levait pas tôt dans ce manoir. J'en profitai pour accomplir quelques exercices d'assouplissement, afin de vérifier la qualité des soins de Logart et de voir si j'avais pleinement recouvré mon adresse guerrière.

A mon retour, Oscar préparait le repas. Cette petite sotte de Jeunesse, que les dragons nous avaient confié en vue de la mission que je décrirai plus tard et où j'apparaissais enfin à mon avantage, le questionnait à propos des béréblasques, la seule chose dont elle se souvienne suite à son amnésie. Evidemment Oscar n'en connaissait pas la recette, mais il nous indiqua que dame Serpaulette du village de Baramuid était une excellente cuisinière, compétente en la matière.

Le repas fut chiche - jambon fumé et pain rassi - et notre hôte s'en excusa, promettant d'envoyer Oscar au village pour s'approvisionner.

"Quels sont vos projets en ce rêve ?"

"Nous comptons aller jusqu'à Filarmonith? Quelle route devons-nous suivre?"

"Ah! si seulement vous pouviez rencontrer mon ami Vaunord: il pourrait vous montrer ses cartes! D'ailleurs, il doit venir bientôt: si vous restez ici quelques jours, vous pourrez lui parler "

" Nous ne voudrions pas abuser de votre hospitalité, nous allons partir demain matin je crois "

Quelques minutes plus tard, le seigneur de Balnifède se leva : " N'avez-vous pas entendu sonner? Ne bougez pas, je vais voir quel est notre visiteur ". Peu après le départ de notre hôte, un homme entra dans la pièce un homme - la cinquantaine, 1m70, imberbe, les cheveux grisonnants, portant une longue robe aux symboles étoilés.

" Bonjour, je suis Vaunord, un ami du seigneur Rolland de Balnifède. Il a déjà du vous parler de moi. Rolland est-il là? Non? J'ai du le croiser sans le voir. Vous voudrez sans doute voir mes cartes de la région. Voici le manoir, Perplex, Baramuid, Montrégal et Filarmonith... Bon, maintenant, il faut que je me sauve. Passez le bonjour de ma part à Rolland "

Peu après, notre hôte revint " Vaunord est déjà parti? Quel dommage! J'ai été retenu aux cuisines par un problème à régler avec Oscar. Enfin, j'espère que les renseignements fournis par Vaunord ont pu vous être utiles. "

" La route vers Filarmonith est-elle sûre? "

" Oui, la région est tranquille. Au sud se trouve la Grande Chaussée qui traverse les Marais Mouvants: c'est un ouvrage de maçonnerie surélevé qui permet de traverser les marais à pied sec. C'est une bonne route de pierre. Elle est parcourue nuit et jour par des centaines de caravanes qui font sans cesse des allers et retours entre Filarmonith et Perplex, chaque chariot transportant un plein chargement de hauts-rêvants pour nourrir les habitants de Perplex. Les marais sont répugnants car l'eau n'y circule pas et croupit, saturée de cadavres de voyageurs égarés. L'odeur est écoeurante et vous fait chavirer le voyageur hors de la Grande Chaussée, dans les marais où il est immédiatement dévoré par des armées de créatures amphibies rampantes, qui vous entraînent sous terre dans les entrailles croupies des marais puants, de la mort lente par suffocation amphibie fatale. C'est pourquoi personne n'y va jamais et que la cité de Filarmonith n'est qu'une légende. "

Cette fois la situation était claire: notre hôte était un fou - genre haut-rêvant - entendant un peu trop les voix des dragons dans sa tête. Et tous les habitants de cette maison se ressemblaient étrangement. D'ailleurs, sans doute ne formaient-ils qu'une seule personne : nous n'en avions jamais vu deux en même temps. Je voulais quitter immédiatement cet endroit, mais mes compagnons firent passer le confort d'une chambre pour la nuit avant notre sécurité - les inconscients! Je dus rester pour les protéger, ne pouvant me résoudre à les abandonner à leur triste sort.

Nous dûmes encore rencontrer, en l'absence de notre hôte, le capitaine Harlock : la cinquantaine, 1m70, imberbe, les cheveux grisonnants, portant une grande cape et un tricorne. Capitaine d'un galion de 700.000 tonneaux, il semblait très intéressé par notre barque au point que nous la lui avons offerte. Il était pressé, car il devait appareiller ce soir dans un port qui ne figurait pas sur la carte qui décrivait la région dans un rayon d'une semaine de marche autour du manoir.

Rolland de Balnifède à son retour : " Il paraît que mon ami le capitaine Harlock est passé. Quel dommage de l'avoir manqué! Il m'a dit que vous lui avez donné votre barque ... dans la lettre qu'il m'a laissée. Cette générosité mérite récompense et c'est le propre des gens de notre condition que de récompenser les petites gens qui le méritent. Aussi, je vous offre une monture pour votre voyage. L'animal sera très utile pour porter la jeune fille qui vous accompagne. " Je m'attendais au pire canasson et de fait il se révéla être ... un âne. Mais il nous fut utile par la suite comme je le décrirai au chapitre suivant...